Elle s'appele Nono.
Il est bien évident que ses parents n'ont pas eu la "bonne " idée de l'appeler comme cela.
Non, c'est nous qui l'avons baptisé comme cela.
Nous faisons tout le temps cela quand on s'attache à eux, c'est à dire à chaque fois.
Plus le surnom est stupide, plus l'affection est grande. On se cache un peu comme ça.
Et elle, Dieu sait qu'on l'aime.
D'ailleurs, ce n'est même plus "Nono", c'est "notre Nono", "ma Nono".
Nono, elle a presque sept mois, dont cinq d'hospitalisation.
Nono, elle est trisomique, un sourire ravageur, à faire fondre la glace, et une anorexie.
Pas une anorexie mentale, non cela serait trop simple.
Et visiblement, la vie a décidé de ne pas lui simplifier la vie, puisqu'elle l'a affligé de multiples malformations digestives qui font qu'un geste aussi simple que manger lui est impossible.
Ce geste si essentiel et simple pour la plupart, ce réflexe que l'on dit "archaïque" et qui nous vient juste après le premier souffle.
Nono, elle, elle ne l'a pas.
Elle ne sait pas téter, elle ne peux pas le faire. Pas spontanément du moins.
Cela lui demande des efforts dont même nous qui la côtoyons tous les jours depuis cinq mois n'avons pas idée.
Elle essaie pourtant, elle fait de son mieux.
Elle a bien compris à quel point cela était important pour nous, et elle veux tellement nous faire plaisir..
Il faut la voir s'appliquer, sourire après chaque fausse-route comme une réponse à nos regards inquiets.
Dix ou vingt grammes, c'est tout ce qu'elle peux prendre en une demi-heure les bons jours.
Et c'est une sacrée victoire pour elle comme pour nous.
Comme un sentiment du travail pas trop mal fait.
Même si Nono et nous, on est bien au-delà du simple travail.
Ils nous le disent bien à l'école, faire preuve d'empathie mais en se protégeant.
Ne pas se mettre à la place de..., garder une distance raisonnable.
Je les mets tous au défi de tenir ce discours plus d'une minute face à Nono et son sourire enjôleur.
C'est juste impossible.
Faut voir aussi le voile dans son regard, la tristesse qui la prends quand au bout du compte, elle ne peux plus.
Elle a tellement peur de tous nous décevoir Nono.
Elle veux tellement bien faire, quitte à manquer de s'étouffer à chaque bouchée.
Alors vite on arrête.
Vite on la chatouille.
Vite on la fait rire en lui racontant des bêtises.
Et vite on s'excuse de la notre à insister comme cela.
Nono elle nous tient toutes dans le creux de ses petites mains.
Elle a appris à toutes nous connaître depuis le temps.
Elle sait mieux que quiconque quoi faire pour nous faire sourire.
Elle a ses petites habitudes avec chacune d'entre nous.
On a tous nos rituels avec elle.
Moi, elle le sait, c'est la musique et la danse.
Chaque matin quand je travaille, je dois faire attention de ne pas parler trop fort car si elle m'entend, elle m'appelle.
Alors, je rentre dans son box et fais mine de ne pas la voir.
Mon regard glisse sur elle, je cherche à droite, à gauche.
Je regarde juste sous son lit. Et je finis par crier "elle est passée où ma Nono? "
Et cela l'a fait exploser de rire.
Elle connaît cela par coeur, elle connaît tous les gestes et les dialogues de la scène que je lui joue, mais elle rigole encore toujours d'aussi bon coeur.
Alors je la regarde et je lui dit "ah mais tu es là toi sale gosse!!"
Et c'est reparti pour un fou rire.
Je commence alors à tout préparer pour son bain, et elle , elle me raconte sa nuit.
Certes à sept mois on ne fait que gazouiller, mais il me semble vraiment qu'elle me raconte quelque chose.
Puis vient l'instant qu'elle préfère entre tous.
J'allume la radio, je la lève de son lit, et nous nous mettons a danser.
Comme des dingues.
Elle laisse aller sa tête en arrière et sourit encore plus.
Elle peut durer des heures notre chorégraphie improvisée.
Puis c'est le bain, moment câlin, moment détente pour elle après avoir passée toute une journée au lit.
Je finis généralement aussi trempe qu'elle étant donné que je lui ai appris tous les bon trucs, comme comment bien taper avec le plat de la main pour mettre de l'eau partout.
Et ça Nono , elle maîtrise.
On l'aurait bien garder avec nous plus longtemps notre Nono mais La médecine en a décidé autrement.
Les médecins ont tranché, ils vont charcuter notre Nono.
Opération très lourde, et à l'issue plus qu'incertaine..
On a accusé le choc et pris sur nous pour ne pas lui montrer.
Mais elle n'est pas folle la guêpe, elle a bien compris qu'on allait pas bien et que cela la concerné.
Alors vendredi dernier, jour de son départ, quand je l'ai levé, quand je l'ai faite danser, elle a bien senti que le coeur n'y était pas.
Pas autant.
Elle n'a eu de cesse de chercher mon regard, et moi de fuir le sien.
Peur de ne pas tenir le choc, peur de lâcher toutes mes inquiétudes.
Mais quand je l'ai prise contre moi, elle a posé une de ses mains sur mon visage et collé le sien contre moi en un geste apaisant.
J'ai du lutter de toute mes forces pour ne pas pleurer et garder un semblant de sourire.
Et en retour, elle m'a offert le plus beau des siens.
Nono est partie ce jour là affrontée de plus près encore la vie.
Tout le weekend je n'ai cessé de penser à elle.
Pour la toute première fois de ma carrière j'ai pris un enfant en photo pour garder une trace.
Elle devait se faire opérer hier.
Nono s'est réveillée, et Nono sourit à nouveau.
Même avec un trou béant dans la gorge, et un tuyau dans le ventre, Nono sourit.
C'est là sa force.
C'est ce qu'elle nous transmet.
Une leçon donnée par un petit bout de chose d'à peine sept mois.
Nono va bientôt nous revenir.
Je respire mieux maintenant.
Nono et son sourire, ça vaut tout l'or du monde.
jeudi 1 mai 2008
Nono et son sourire
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